JacquesPrĂ©vert, poĂšte et rĂ©volutionnaire 3 dĂ©cembre 2014 09:07. « Et les vitres redeviennent sable lâencre redevient eau les pupitres redeviennent arbres la craie redevient falaise le porte-plume redevient oiseau. ».
Tout ça pour ça. Le 7 juin, lâUniversitĂ© de Toronto sâest remise en quĂȘte dâun candidat pour diriger son Programme international des droits de la personne, rattachĂ© Ă sa facultĂ© de droit. Onze mois aprĂšs avoir dĂ©nichĂ© la candidate idĂ©ale, en Allemagne. Neuf mois aprĂšs avoir dit Ă cette prof hautement qualifiĂ©e⊠dâoublier ça. Merci quand mĂȘme, mais ne vous donnez pas la peine de dĂ©faire vos boĂźtes ; vos services ne sont plus requis dans la Ville Reine⊠Lâaffaire a provoquĂ© une crise sans prĂ©cĂ©dent dans la plus grande universitĂ© du pays. Trois dĂ©missions. Deux enquĂȘtes. Un blĂąme officiel du syndicat des profs. Un boycottage dâuniversitaires et de personnalitĂ©s canadiennes. Un reportage dans le New Yorker⊠Et nous revoilĂ Ă la case dĂ©part. Tout ça parce que lâUniversitĂ© de Toronto a eu peur de son ombre. *** Le comitĂ© de sĂ©lection avait fait son choix parmi 160 candidats. Ă lâunanimitĂ©, il avait choisi Valentina Azarova. Ăa nâa pas Ă©tĂ© difficile le poste semblait taillĂ© sur mesure pour cette experte en droit international et en droits de la personne. LâUniversitĂ© avait entamĂ© les dĂ©marches pour accueillir sa nouvelle recrue Ă Toronto quand, le 10 septembre, elle a fait volte-face. Brusquement. Sans crier gare. CâĂ©tait incomprĂ©hensible. Plus tard, on a compris. On a compris que, six jours avant ce coup de frein, un donateur avait passĂ© un coup de fil Ă un ami, haut placĂ© Ă lâUniversitĂ©. David Spiro, juge Ă la Cour canadienne de lâimpĂŽt, avait prĂ©venu que lâembauche de Mme Azarova risquait de plonger lâUniversitĂ© dans lâembarras. PHOTO TIRĂE DU SITE DE L'UNIVERSITĂ DE TORONTO David Spiro, juge Ă la Cour canadienne de lâimpĂŽt Valentina Azarova, voyez-vous, Ă©tait critique Ă l'endroit dâIsraĂ«l. Pas militante. Mais critique, dans ses travaux universitaires, au sujet des colonies juives illĂ©gales en Cisjordanie, du blocus contre Gaza, du mur de sĂ©paration, de lâoccupation des territoires palestiniens par IsraĂ«l⊠Il nây avait rien de hautement inhabituel dans ses positions. Bien des universitaires israĂ©liens faisaient exactement la mĂȘme analyse de la situation au Proche-Orient. Mais lâUniversitĂ© de Toronto a eu peur. Peur de la controverse. Du scandale. Alors, elle a tout annulĂ©. Et câest Ă ce moment-lĂ que la crise a Ă©clatĂ©. *** Les trois membres du comitĂ© de sĂ©lection ont dĂ©missionnĂ©. Amnistie internationale et Human Rights Watch ont suspendu leur collaboration avec la facultĂ© de droit. Des confĂ©renciers se sont retirĂ©s pour dĂ©noncer ce quâils considĂšrent comme une violation grave de la libertĂ© universitaire. Câen est une, câest clair. Et câest une illustration de lâinfluence que peuvent exercer les donateurs auprĂšs des universitĂ©s. Certains voient dans cette affaire lâinfluence quâexerceraient plus particuliĂšrement des organisations juives et la chape de plomb qui sâabattrait systĂ©matiquement sur les milieux universitaires nord-amĂ©ricains dĂšs quâil sâagit dâaborder la question palestinienne. Jây vois surtout un autre exemple de la pleutrerie des Ă©tablissements â cette crainte viscĂ©rale de soulever la moindre controverse, quelle quâelle soit, entre leurs murs. Câest pourtant dans les universitĂ©s, plus que nulle part ailleurs, que les dĂ©bats â mĂȘme les plus difficiles â devraient ĂȘtre permis, encouragĂ©s, stimulĂ©s. Ă la place, on choisit dĂ©sormais de les Ă©touffer. *** Le 21 mai, le Conseil canadien de la magistrature a conclu dans un rapport que David Spiro aurait dĂ» sâabstenir de passer ce fameux coup de fil. Ăa, câĂ©tait assez Ă©vident. Mais au passage, le Conseil souligne que le juge nâest pas militant, lui non plus. Il a dâailleurs travaillĂ© Ă bĂątir des ponts entre IsraĂ©liens et Palestiniens. En fait, le juge Spiro ne cherchait pas tant Ă bloquer la nomination de Valentina Azarova quâĂ avertir son alma mater cette nomination risquait de nuire Ă sa rĂ©putation⊠Lâironie nâĂ©chappe Ă personne. En voulant Ă©viter le scandale, lâUniversitĂ© de Toronto en a créé un de toutes piĂšces. Depuis, elle est embourbĂ©e dans cette affaire dont elle est la seule responsable. *** La mĂȘme lĂąchetĂ© est Ă lâĆuvre dans lâhistoire ahurissante rapportĂ©e samedi dans Le Devoir par le chroniqueur spĂ©cialisĂ© en Ă©ducation Normand Baillargeon. Le 25 fĂ©vrier, dans une classe dâimmersion en langue française dâune Ă©cole secondaire de Toronto, lâenseignante Nadine Couvreux a donnĂ© Ă lire Pour toi mon amour, de Jacques PrĂ©vert. Ăa va comme suit Je suis allĂ© au marchĂ© aux oiseaux / Et jâai achetĂ© des oiseaux / Pour toi mon amour Je suis allĂ© au marchĂ© aux fleurs / Et jâai achetĂ© des fleurs / Pour toi mon amour Je suis allĂ© au marchĂ© Ă la ferraille / Et jâai achetĂ© des chaĂźnes, de lourdes chaĂźnes / Pour toi mon amour Je suis allĂ© au marchĂ© aux esclaves / Et je tâai cherchĂ©e / Mais je ne tâai pas trouvĂ©e / Mon amour Câest un poĂšme qui jase dâamour et de libertĂ©, comme chantait Marjo dans Les chats sauvages. Un poĂšme qui nous dit, pour peu quâon fasse lâeffort de comprendre, que lâamour ne sâachĂšte pas, quâon ne peut enfermer lâĂȘtre aimĂ© dans une cage, mĂȘme dorĂ©e. Ă la tĂ©lĂ© locale, ce soir-lĂ , câest devenu un poĂšme raciste enseignĂ© en classe ». Un Ă©lĂšve anonyme, la voix modifiĂ©e, tĂ©moignait avoir Ă©tĂ© profondĂ©ment offensĂ© par la rĂ©fĂ©rence Ă lâesclavage. Si lâhistoire sâĂ©tait terminĂ©e comme ça, on aurait pu hausser les Ă©paules devant lâignorance crasse dâun ado â et dâune journaliste. Mais non. Ăa a continuĂ©. Lâenseignante a Ă©tĂ© suspendue pendant des semaines, Ă©crit Normand Baillargeon. Elle a subi des sanctions disciplinaires. Et si de tels Ă©vĂšnements » se reproduisent, elle risque dâĂȘtre congĂ©diĂ©e. Tout ça pour avoir enseignĂ© PrĂ©vert. Quelle absurditĂ©. *** Le point commun entre ces deux affaires, câest la panique de lâĂ©tablissement. Sa rĂ©action dĂ©mesurĂ©e pour sâĂ©viter une Ă©ventuelle crise de relations publiques. Ici en annulant lâembauche dâune candidate parfaite, lĂ en sanctionnant une enseignante dont la seule faute a Ă©tĂ© de faire son boulot. Paradoxalement, cette tentative de tuer dans lâĆuf une affaire gĂȘnante â rĂ©elle ou apprĂ©hendĂ©e â finit souvent par provoquer une crise encore plus grave que celle quâon cherche Ă Ă©viter ! Demandez aux dirigeants de lâUniversitĂ© dâOttawa, qui espĂ©raient apaiser une poignĂ©e de militants en reprochant trĂšs publiquement Ă Verushka Lieutenant-Duval dâavoir prononcĂ© le mot commençant par un N » en classe. Avec les consĂ©quences dĂ©sastreuses que lâon sait⊠On doit pouvoir faire mieux que ça. Il doit bien y avoir un moyen dâamĂ©nager des lieux de dĂ©bats oĂč tous peuvent Ă©mettre leurs idĂ©es, transmettre leurs savoirs, sans craindre des reprĂ©sailles. Ă MontrĂ©al, un organisme aux prises avec cette culture de lâannulation a dĂ©cidĂ© de faire mieux, justement. Son initiative inspire des universitĂ©s. Je vous en parle dans ma prochaine chronique.
III Pistes supplĂ©mentaires d'analyse du texte. Etudiez la manipulation des significations dans FamiÂliale, Ă partir du son dominant dans ce poĂšme. Faire la liste des mots oĂč cette sonoritĂ© se retrouve et observez comment PrĂ©vert dissocie les connotations Ă fin de contraste. Relevez les expressions oĂč naturel est employĂ© et expliquez
Cet amour Si violent Si fragile Si tendre Si dĂ©sespĂ©rĂ© Cet amour Beau comme le jour Et mauvais comme le temps Quand le temps est mauvais Cet amour si vrai Cet amour si beau Si heureux Si joyeux Et si dĂ©risoire Tremblant de peur comme un enfant dans le noir Et si sĂ»r de lui Comme un homme tranquille au milieu de la nuit Cet amour qui faisait peur aux autres Qui les faisait parler Qui les faisait blĂȘmir Cet amour guettĂ© Parce que nous le guettions TraquĂ© blessĂ© piĂ©tinĂ© achevĂ© niĂ© oubliĂ© Parce que nous lâavons traquĂ© blessĂ© piĂ©tinĂ© achevĂ© niĂ© oubliĂ© Cet amour tout entier Si vivant encore Et tout ensoleillĂ© Câest le tien Câest le mien Celui qui a Ă©tĂ© Cette chose toujours nouvelle Et qui nâa pas changĂ© Aussi vraie quâune plante Aussi tremblante quâun oiseau Aussi chaude aussi vivante que lâĂ©tĂ© Nous pouvons tous les deux Aller et revenir Nous pouvons oublier Et puis nous rendormir Nous rĂ©veiller souffrir vieillir Nous endormir encore RĂȘver Ă la mort Nous Ă©veiller sourire et rire Et rajeunir Notre amour reste lĂ TĂȘtu comme une bourrique Vivant comme le dĂ©sir Cruel comme la mĂ©moire BĂȘte comme les regrets Tendre comme le souvenir Froid comme le marbre Beau comme le jour Fragile comme un enfant Il nous regarde en souriant Et il nous parle sans rien dire Et moi je lâĂ©coute en tremblant Et je crie Je crie pour toi Je crie pour moi Je te supplie Pour toi pour moi et pour tous ceux qui sâaiment Et qui se sont aimĂ©s Oui je lui crie Pour toi pour moi et pour tous les autres Que je ne connais pas Reste lĂ LĂ oĂč tu es LĂ oĂč tu Ă©tais autrefois Reste lĂ Ne bouge pas Ne tâen va pas Nous qui sommes aimĂ©s Nous tâavons oubliĂ© Toi ne nous oublie pas Nous nâavions que toi sur la terre Ne nous laisse pas devenir froids Beaucoup plus loin toujours Et nâimporte oĂč Donne-nous signe de vie Beaucoup plus tard au coin dâun bois Dans la forĂȘt de la mĂ©moire Surgis soudain Tends-nous la main Et sauve-nous. Voter pour ce poĂšme!
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